Food Time

Après ces vacances d’été dont elle n’avait pas même pu profiter, la jolie française avait ressenti de nombreux sentiments plus partagés et contradictoires les uns aux autres, à l’idée de reprendre les cours, de t-retrouver ses camarades, de déplorer la mort d’autres, ou simplement de devoir faire face à qui que ce soit ignorant son mutisme. Les seules personnes avec qui elle était certaine que rien ne changerait étaient ses professeurs, bien entendu, même si les interactions seraient différentes, cela va de soit, et Marie, sa meilleure amie depuis aussi longtemps qu’elle pouvait s’en rappeler. Depuis la première année de la brune, d’un an sa cadette, elles étaient inséparables. Rencontre inhabituelle, et un peu bizarre, certes, mais rencontre inoubliable. Elles s’étaient vues et rencontrées pour la première fois alors que Marie s’était trompée de salle commune. Elle essayait tant bien que mal de rentrer dans celle qui appartenait en fait aux élèves de l’écurie de Zeus. En vain, cela va sans dire. En premier lieu, Olympe l’avait observé un instant, puis avait décidé de venir lui tendre une main amicale, en lui expliquant que cette salle n’était pas la sienne, tout en la redirigeant adroitement vers celle de ses semblables. Quelques jours plus tard, l’élève d’Hadès était venue la remercier une nouvelle fois lors du dîner, et c’est ainsi qu’elles s’assirent ensemble à la même table, sous les yeux méfiants de leurs quelques camarades qui avaient discrètement tenté de suivre la scène. Elles avaient, petit à petit, appris à se connaître, à s’apprivoiser, et plutôt rapidement, la grande amitié qu’elles partageaient encore à ce jour était née, solide comme un roc, et pure comme l’eau cristalline d’une cascade de montagne. Elles ne s’étaient, au souvenir de la jeune Zeus, jamais disputées, bien qu’elles aient naturellement déjà été en désaccord.

Mais aujourd’hui, elles avaient prévu de se retrouver, encore une fois, pour manger ensemble, chose qu’elles adoraient faire. C’était bien connu, les repas étaient propices aux meilleures discussions, et il s’agissait aussi, pour la blondinette, de son moment préféré pour avoir une conversation simple avec n’importe qui. Mais ça, c’était avant. Avant, quand elle pouvait avoir une discussion. Avant, quand elle pouvait communiquer durant un dialogue. Avant, quand elle n’avait pas besoin d’un calepin et d’un crayon pour écrire ses paroles. Avant, quand son propre père ne s’était pas retourné contre elle. Mais avant, c’était avant. Maintenant, elle devait faire face à la réalité, et affronter ses peurs et autres angoisses. Face à elle-même, son unique frein ne pouvait être que sa propre personne. Depuis son retour à l’académie, elle essayait tant bien que mal de se réhabituer aux gens, à leurs jugements rapides, à leur pitié, à leurs questions, à leur cruauté. Seulement avec cette amie précieuse qu’était Marie, Olympe savait qu’elle était à l’abri. Assise à une table taillée en cercle, dans la réfectoire, la blondinette ne pouvait s’empêcher de se demander quelle serait la réaction de sa meilleure copine, ou si même elle était au courant de quoique ce soit qu’il lui était arrivé. Elle ignorait si elle avait connu les périples qu’elle avait survécu lors de la bataille, si elle avait pris de ses nouvelles auprès de sa mère cet été, ou si elle l’avait entendu de la bouche de quelqu’un d’autre qui lui, savait tout. Elle ignorait les réponses à ses questions, mais elles ne sauraient tarder à lui parvenir.

Elle fut soudainement prise par surprise, grâce à une étreinte affective, qu’elle devinait être de sa bonne amie. Après que cette dernière se soit installée à ses côtés, elle lui déclara qu’elle lui avait manqué, mais la jolie Zeus décida de ne pas répondre directement. Elle se pencha, et refit un câlin à sa jeune amie, avant de l'embrasser amicalement sur la joue, et de lui sourire. Elle n'avait pas parlé, et allait enfin savoir si sa camarade était au courant de son mutisme nouveau.

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She knows

« Je … je suis au courant. » Elle savait donc. Elle avait envoyé une lettre et sa mère avait dû lui répondre pendant que sa fille était dans le coma. Mais en effet, la lettre de sa meilleure amie lui avait été transmise peu après son réveil. Elle s’était sentie toute triste qu’elle ne soit pas venue, mais elle savait aujourd’hui pourquoi. Marie, dotée d’un cœur énorme, avait décidé de prêter main forte aux équipes de restauration de l’académie. Elle n’avait pas vraiment utilisé ses vacances pour ne rien faire, elle avait été solidaire et adulte. Olympe était fière de sa copine de longue date, et un léger sourire se dessina sur son visage devenu si terne en l’espace de ces quelques mois. Elle n’avait rien fait. Réveillée à la mi-août, elle n’avait eu droit qu’à un repos forcé qui l’avait rendu à moitié folle. Elle s’était sentie abattue, inutile, égoïste et tout un tas d’autres sentiments similaires l’avaient traversé durant cette immobilité ordonnée. Mais depuis son retour à Beauxbâtons, la blondinette avait décidé de se mettre à aider. Elle avait été là lors de la reconstruction de la Volière, avait donné un coup de main à la réparation des cuisines et avait passé beaucoup de temps à la bibliothèque, reclassant les livres en bon état par ordre alphabétique. Elle s’était sentie tellement mieux durant ces deux derniers jours que durant cet horrible été, qu’elle voulait faire que ça. Elle avait même songé à abandonner les études pendant de petits moments de faiblesse, et voyager d’endroits en endroits, d’écoles en écoles pour s’affirmer et épauler les autres volontaires, les autres pays, les autres nationalités. Cette guerre avait été un fléau, et ce n’était que plus forte mentalement qu’elle en était ressortie. Ne parlons pas du côté physique, puisqu’elle était encore bien faible.

La jeune Zeus observait Marie. Cette fille était toute requinquée, fière d’elle-même, confiante, rassurante et aimante. Combien de fois avait-elle souhaité être comme elle ? Jamais. Puisqu’elle avait été la même auparavant. Elles étaient si similaires, c’en était troublant pour certaines personnes qui les pensaient sœurs, ou liées par le sang. Pourtant, rien n’en était. Elles étaient juste très bonnes amies, et s’étaient trouvées l’une l’autre comme par magie. Mais aujourd’hui, elle voulait être comme elle. Elle voulait lui ressembler, redevenir celle qu’elle était avant son attaque, celle qui a tout changé. Ses yeux se dirigèrent alors vers le sol pierreux de l’académie, alors que Marie continuait de parler, de lui raconter son été qui semblait passionnant pour la jeune française. Malheureusement, elle se sentait un peu délaissée, comme si elle avait tellement voulu faire partie de cette expérience, mais qu’on le lui avait interdit à cette époque. « C’est vraiment fou que l’on ne se soit pas vues ces deux derniers jours... Comment tu te sens ? » Oui, c’était inhabituel et complètement étrange qu’elles ne se soient pas même aperçues, ou cherchées. Mais c’était normal d’un côté. Cette guerre, ce sang coulant à flot de chaque corps allongé au sol, ces larmes, cette panique, ces sorts transperçant les couleurs naturelles des cieux, cette haine, tout ça avait changé chaque personne y ayant participé de près ou de loin. Certains plus que d’autres, d’ailleurs, mais c’était sûr. Tout le monde avait gardé une trace de ces horreurs.

Ce fut d’un geste lent qu’Olympe attrapa son carnet et son stylo. Elle commença à écrire pour son amie, assumant qu’elle ne parlait probablement pas le langage des signes. D’ailleurs, elle-même était encore en appréhension de celui-ci, et n’osait pas vraiment s’en servir de peur de dire quelque chose complètement différent de ce qu’elle avait l’intention de faire comprendre. Quelques instants après qu’elle ait commencé à noter ce qu’elle avait décidé de répondre, la jeune fille posa son stylo et poussa légèrement la calepin vers son amie pour qu’elle puisse déchiffrer sa calligraphie, qui disait en fait :

« Je vais plutôt bien, et ma mère m’a transmis ta lettre. Sache que j’étais heureuse que tu aies pensé à moi. Et puis depuis mon retour ici, j’ai aussi aidé à la reconstruction. Depuis deux jours, j’ai bossé à la Volière, aux cuisines et beaucoup à la bibliothèque. J’ai adoré me sentir utile vu que je n’ai servi à absolument rien cet été. Par contre, tes vacances me semblent formidables, tu as fait ce qu’il fallait, comme toujours, Marie. Quant à Eric, je ne sais pas quoi te dire. Il va falloir que tu m’expliques, j’ai un peu du mal à suivre avec tout ce qu’il s’est passé. Comme d’habitude, je suis là, tu le sais bien, et je le serai toujours. »

Rapidement, Olympe leva les yeux vers son amie qui lisait ce qu’elle lui avait gribouillé sur cette feuille. Privée de la parole, la blondinette était encore maladroite et tentait d’ouvrir la bouche pour parler parfois, mais aucun son ne sortait évidemment. La réflexe n’était pas encore automatique chez elle de prendre son carnet pour y inscrire ses réponses ou participations aux conversations. Elle appréhendait déjà ses premiers cours. Elle savait pertinemment que les professeurs étaient au courant, mais ce qu’elle ignorait, c’était la façon qu’ils choisiraient d’interagir avec elle durant leurs leçons respectives. La semaine prochaine serait déterminante pour elle, pour son année, son futur proche en général. Elle semblait avoir peur. Elle avait peur.

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