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un rien amène un souvenir (pm)
ϟ you belong to the world, and when it screams your name back, don't pretend you don't hear it.
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Message Posté Mar 17 Juil - 23:53.


« La paix nourrit, le trouble consume. »
i should have looked you in the eyes

★ noms des participants: Augustin Lefebvre et Hermine Dulac.
★ statut du sujet: privé.
★ date: mi-septembre.
★ heure: fin d'après-midi.
★ météo: ensoleillé.
★ saison: saison 2.
★ numéro et titre de l'intrigue globale en cours: 2x01: chamboulement.
★ numéro et titre de l'intrigue en cours: 2x01: la rentrée.
★ intervention de dominus: non merci.
★ récompenses: rien du tout.





Dernière édition par Hermine C. Dulac le Mer 1 Aoû - 6:45, édité 4 fois
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Message Posté Mar 17 Juil - 23:57.
« Monsieur,
Notre dernière rencontre s’est terminée assez brutalement, et sans m’apporter de réelles réponses. Je suis désolée si mon comportement a pu vous déranger. Je dois avouer que je ne m’attendais pas à voir mon dossier dans votre bureau, puisque je pense être une élève sérieuse sans difficultés particulières »


Le dos courbé sur la feuille et le visage concentré, Hermine clôt sa phrase d’un point, et pose un instant sa plume. Le parchemin est impeccable. Ses lettres, parfaitement tracées. Rien dans son écriture, dans ses mots, ne laisse transparaitre une seule once d’hésitation, un quelconque sentiment. Agacée, la jeune femme se détache légèrement de son travail, s’appuyant contre le dossier de sa chaise. A quoi bon lui écrire, si dans sa lettre elle n’ose pas lui expliquer ce qui la dérange ?

« Je ne comprends pas votre réaction. Je n’avais rien fait, pourtant vous avez été brutal. A chaque fois que notre dernière discussion me revient à l’esprit, un sentiment d’incompréhension l’accompagne. Non, plus… Un sentiment d’inquiétude. Je ne comprends pas pourquoi cela me touche autant. Vous deviez être sur les nerfs, j’ai peut-être été intrusive… Mais il me semble que mon attitude ne justifiait pas votre comportement. J’aimerais comprendre… Je ne sais pas ce qu’il se passe. Pourquoi vous étiez aussi troublé, pourquoi cela m’obsède autant… »

Elle tourne en rond.

« Je ne voudrais pas commencer cette nouvelle année scolaire sans que ce mal entendu ne soit réglé. »

Une dernière mauvaise foi scelle sa lettre. Et, parce qu’elle craint de regretter sa démarche, elle n’ose même pas la relire avant de plier le parchemin. Sa plume se lève une dernière fois, trace un « professeur Lefebvre » en grosses lettres rondes sur une enveloppe. Puis, quittant le bureau qu’elle a réquisitionné pour l’écriture de sa lettre, Hermine s’avance un peu plus loin dans le kiosque à colombes, à la recherche d’un messager pour son courrier.

Un bruit de pas. Des talons qui claquent sur la pierre. Craignant d'être remarquée correspondant avec son professeur, la jeune Hestia précipite ses gestes comme un malfaiteur se hâterait de camoufler son forfait. Attrapant le premier hibou qu’elle trouve, elle lui accroche précipitamment la lettre aux pattes tout en chuchotant le nom du destinataire. Et sur un dernier sourire d’Hermine, la bête s’envole dans un battement d'ailes, emportant avec elle le secret de la jeune femme et ses dernières inquiétudes.

Se composant un visage détendu, Hermine se décide finalement à quitter l'ombre dans laquelle elle s'était réfugiée pour choisir un hibou, et découvre à l’entrée du kiosque une élève de son année. Sans lui accorder plus qu'un regard voulu agréable, l'Hestia se presse vers la sortie et quitte l'endroit.


Alors qu'elle rejoint lentement son dortoir, Hermine laisse ses pensées vagabonder. Avoir envoyé cette lettre était censé l’apaiser. Pourtant, son cœur semble s’alourdir à chacun de ses pas. Son esprit tourne et retourne en tous sens les phrases qu’elle a écrites à Lefebvre. Non seulement elles sont stupides et puériles, mais plus encore elles ne reflètent pas réellement l’étendue des sentiments qui dérangent la jeune femme depuis leur altercation. Mais comment les exprimer seulement ? Elle se souvient encore du buste du professeur collé au sien, la maintenant contre le mur aussi froid et dur que les barreaux d’une cellule de prison. De ses prunelles brillantes, tout près des siennes, lumières vacillantes, inquiétantes, hypnotiques. De sa poigne, crochets retenant ses bras contre le mur. De son souffle chaud sur ses lèvres, sensation inconnue… Elle se souvient de sa brusquerie sensuelle et de ses menaces tremblantes.

Et il y a plus. Il y a les cauchemars. Les images qu’ont réveillés en elle le trouble et la fureur mélés du professeur. Le pas d’Hermine se fait plus hésitant, à mesure qu’elles envahissent à nouveau son esprit, déstabilisant son cœur et son corps. Son genou malade tremble et la lance, tandis que sa vision se trouble et s’égare. Une fois de plus, une énième fois, ses cauchemars lui volent son humeur légère et sa respiration sereine. S’effondrant à l’abri d’un arbuste, à l’écart de l’allée dans laquelle des élèves se promènent en savourant la fin de l'été, Hermine fuit le soleil et les autres, fermant les yeux et se recroquevillant sur elle-même.

Le noir d’une nuit sans importance, d’une soirée tranquille, l’enveloppe. Ses traits se détendent et un léger sourire éclaire son visage enfoui entre ses mains moites. Elle sait déjà que tout va dégénérer. Pourtant, elle se laisse bercer par les odeurs d’un repas encore chaud qui titille ses narines, par la lumière apaisante d’un feu de cheminée crépitant dans l’âtre. Une chaleur douce calme les spasmes qui secouent ses mains et son genou fatigué. Dans ses paupières fermées se dessinent des silhouettes. Elles sont comme des tâches noires et mouvantes, qui se détachent des couleurs orangées des flammes. Plongeant dans ses songes, Hermine se crispe soudainement et plisse les yeux, tentant désespérément de mieux discerner les formes de ces fantômes noirs. Mais en une volute de fumée, la scène disparait de ses yeux. Ses prunelles se heurtent à l’obscurité de ses paupières fermées, qui, un instant plus tôt éclairées par des lumières incandescentes, se sont tues dès lors qu’elle a tenté d’en percer les mystères. Une bourrasque glaciale, un hurlement, et un visage l’agressent enfin, derniers sursauts avant le silence. Ce visage… Des lèvres déformées par une grimace de haine et d’horreur. Des traits durs. Mais rien de plus. Tout est tellement flou. A l’instar d’une photo abimée par le temps, l’image de l’homme semble avoir été malmenée… Par quoi ?

Émergeant de son état de demi-songe, Hermine se découvre en sueur. Ces images la hantent. Cela fait des années qu’elles alimentent occasionnellement ses cauchemars, agitant son sommeil et dérangeant ses pensées. Mais depuis quelques temps, elle ne passe pas une nuit sans subir leurs attaques. Elle ne sait même plus comment ont commencé ses rêves, pas plus qu’elle n’arrive à comprendre s’ils ne sont qu’imagination ou se trouvent être le reflet de souvenirs perdus… En revanche, il lui semble clair que c’est l’attitude du professeur à son égard, qui a stimulé ces démons à lui voler son sommeil sans relâche, chaque nuit, depuis des semaines… Qu’a-t-il de si particulier qui ait pu la toucher sans qu’elle ne s’en rende réellement compte ? Le mystère complet qui enveloppe cet homme et la relation qu’il entretient avec elle la déstabilise plus qu’elle n’ose se l’admettre. L’intrigue plus qu’elle ne le devrait.

Redressant le dos, Hermine essuie les larmes qui ont souillé ses joues pendant sa folie. Pourquoi lui a-t-elle envoyé cette lettre ? Elle n’est qu’un tissu d’inepties balancées sans réflexion ni intelligence. Comme si elle n’était pas déjà assez passée pour une gamine ridicule à ses yeux. Comme s’il ne l’avait pas déjà assez rabaissée. Elle aurait dû se taire. Laisser passer. Oublier. Arrachant compulsivement l’herbe qui se trouve sous ses mains, la jeune femme s’emporte. Non. Non, elle ne peut pas oublier, car il est, elle en est certaine, lié à ses cauchemars… Elle a besoin de comprendre. Peut-être ainsi réussira-t-elle à calmer ces images qui la tourmentent. Mais elle n’aurait pas dû agir ainsi. Sa lettre ne dénouera rien.

Se relevant précipitamment et quittant sa cachette de fortune, Hermine s’élance en boitant légèrement vers la salle de cours de Lefebvre, espérant intercepter sa lettre avant qu’il ne la lise.

Mais tout à ses pensées, elle bouscule dans sa course un élève inattentif, et reçoit en réaction une flopée d’injures. Refusant de s’arrêter, elle se contente de tourner la tête vers lui sans perdre le rythme de sa marche, afin de s'assurer qu'il n'est pas blessé ; mais le « désolé ! » qu’elle tente de lui lancer se perd entre ses dents, alors qu’elle se heurte à un nouvel obstacle. La collision est inattendue et brutale, et Hermine recule de quelques pas, chancelante, avant de se rendre compte que Lefebvre lui fait face.

« Je… pardon, je… »

Les excuses d’Hermine deviennent balbutiements, puis silence honteux. Entre les mains de l’homme, elle vient de remarquer une enveloppe sur laquelle elle déchiffre son écriture. Agir, vite…

« Oh justement je vous cherchais ! Figurez-vous que le hibou s’est trompé de destinataire pour cette lettre… Enfin je veux dire, non, elle s’adresse bien à un M. Lefebvre, mais il s’avère que j’ai dans mes amis un ami qui porte le même nom que vous, je veux dire qu’il s’appelle Lefebvre, et j’ai oublié de spécifier le prénom, parce qu’il aurait fait toute la différence bien sûr et bref, donc il faudrait que je récupère cette lettre, pour la lui envoyer à lui, l’autre Lefebvre… »

S’approchant sans attendre de réponse, Hermine discerne alors entre les doigts de Lefebvre un nouveau mot qui interrompt aussitôt son geste. Les lettres arrondies qu'elles s'est employée à tracer impeccablement en écrivant « Professeur » semblent rire de sa bêtise et de son mensonge aussi éhonté qu’improbable. Où est-elle allée chercher cette histoire d'ami portant le même nom que lui ? Elle insiste pourtant :

« Il faut vraiment que je récupère cette lettre. »

Sa voix désabusée et craintive est un aveu à elle seule. Baissant les yeux, Hermine sent ses joues la brûler. Elle n'a même pas réalisé qu'il a sans doute déjà lu la lettre...
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Message Posté Ven 20 Juil - 13:00.

musique.

C’est comme un mur. La façade brut qu’on cache derrière un joli papier. Indolentes teintes pour masquer la froideur de l’après, du vrai. C’est comme un mur, qui peu à peu se révèle ; ça commence par un froissement imperceptible, et puis il y a cette fente, ce jour béant dans la surface de papier. L’ourlet de légère déchirures laisse deviner le gris de la pierre. La lumière elle-même finit par passer l’azur brillant des yeux. Mais s’il n’y avait que ça, alors encore serais-je sauvé.

Seulement, voilà. C’est comme un mur. Un mur à nu, les lambeaux du papier à ses pieds. Un mur défait, sur lequel courent la lézarde sinueuse des premières fissures. On les voit à peine. C’est tout juste si on les sent, du bout des doigts. Mais, implacablement, elle creusent à l’intérieur. Il ne s’agit plus de l’unique surface. Il s’agit d’un chapelet d’entailles descellant les pierres au cœur du parapet, que l’on ne peut retenir. Essayez de contenir les crevasses lorsque vous marchez sur la glace ; vous aurez beau faire, vous finirez gelé au fond de l’eau sans avoir su rien y faire. Ce n’est plus de la façade qu’il s’agit. Le mur n’est plus le rempart s’échelonnant entre le monde et le visage. Comment maintenir le masque, si le visage se désagrège en dessous ? C’est comme un venin, rampant sous la peau, distillant sa dose de destruction en préservant un minois qui pourtant ne retient pas les grimaces de la douleur. Le masque se déforme, il ploie, se tord.

C’est comme un mur sur moi effondré. Je me croyais être ce mur… cruelle inanité. Je ne sais ce qu’il reste de moi. Derrière les yeux bleus. Des yeux qui se meurent, quand l’esprit se demande si il aura les mêmes. Que reste t-il de ce cœur ? Je le sens fébrilement rattaché par ces veines empoisonnés, vaisseaux rongés par un mal qui enfin a atteint l’organe, le tuant à retardement. J’imagine la chose se tordre, émettre un cri perçant, se révulser sans parvenir à éjecter les racines qui l’enroulent et s’y insèrent, atroces. Bientôt d’un cœur ankylosé il ne restera plus rien, n’est-ce pas ? Est-il possible de vivre encore même lorsque les battements ne sont plus ? Et comment décrire ce sentiment… c’est pire qu’un vide. Le gouffre est sanguinolent. Le myocarde éclate. Les artères déversent leur poison partout. L’hémorragie est interne, mais je sais… Je sais qu’elle n’empêchera aucunement le corps de s’effriter lui aussi. Lorsqu’il n’y a plus rien dedans, le dehors s’épanche dans un macabre péremptoire, mangé par la pourriture. C’est exactement cette impression que la révélation m’a laissée. Il n’y a plus rien dedans, alors il s’est enclenché comme un compte à rebours, me cristallisant dans un temps qui me semble comme suspendu, et qui pourtant m’enserre la gorge, m’enfonce dans les reins sa terrible pointe. Je n’ai plus beaucoup de temps, avant que cette distance défensive ne se décompose, gâtée, putréfiée. L’instinct pousse à brandir un dernier rempart face à l’impensable, jusqu’à ce que la réflexion ne montre sa face implacable à la raison, qui alors lâche prise. Perd pied. Sombre. La folie a toujours été mon lot, cette gueule béante sous les pieds, aujourd’hui prête à me recueillir en son sein.

La folie. Ma seule mère. Ma seule amie.

Oui, lorsque ce dernier temps sera écoulé, alors je la laisserai me reprendre. Je pourrai rien contre elle. Mes forces sont trop amenuisées, mon esprit défectueux, exténué. Et las. Je me vois déjà m’effondrer. Exactement comme ce jour où les ficelles de la folie m’ont jeté dans le crime, sans même me laisser m’en rappeler, diluant dans l’éternel ce que j’arrivais encore à être malgré tout. Ce n’est pas comme si je n’avais pas lutté, bien que ma propension à la lâcheté ait toujours plané sur moi à l’instar d’une ombre honteuse. Je me vois m’effondrer. C’est inéluctable. Ca l’a toujours été. Je vais m’effondrer. Ce n’est qu’une affaire de jours, d’heures peut-être. Juste le temps que la vérité ne me rattrape et ne se répande en moi.

Je vais être père.

Les images qui dansent dans mon esprit sont la lame d’une tranchante vague. Il est là, dans la nuit originelle, boule de chair et de sang… Ma chair. Mon sang. Des haut-le-cœur m’assaillissent. A t-il déjà les traits forgés dans son atmosphère liquide et chaude ? Les traits correspondent-ils aux miens ? Cette pensée a quelque chose de terrible et révulsant. Je ne m’en défais pas. C’est le poisseux d’un liquide qui me coule sur la nuque, dans le dos, dans la gorge ; c’est les bêtes qui me roulent sous la peau, les décharges qui secouent avec violence un estomac fragile. Je ne veux pas. Je n’en veux pas. Cette certitude me martèle d’une détermination furieuse, et pourtant l’impuissance tue dans l’œuf toutes les inflexions de ma plume lorsqu’elle trace des solutions sur le papier d’un mémoire intime. Que puis-je faire ? Deux mois et demi que ce morceau de moi s’étend en elle dans une prison de chair qui s’étire imperceptiblement… Les images malsaines me traquent jusque dans un sommeil plus terrible encore que l’état d’éveil, où le nourrisson s’accable de mutations effroyables, de paroles sentencieuses, et où le bleu électrique de son regard me perce l’esprit d’une douleur fulgurante.

Deux jours que je le sais. Deux jours que je n’avale rien, ne dors pas. Les apparences sont encore sauves, le masque est encore là. Mais comme le corps d’un mort se délite une fois son souffle arraché, je sens que bientôt je me décomposerai aussi. Déjà mes paroles sont floues lorsque je réponds aux paroles qui se posent sans effet sur moi. Ce qu’Alix m’a dit n’avait aucun sens, à l’instant où les mots ont glissé de ses lèvres. Mais maintenant, plus rien d’autre n’a de sens que cela.

Je suis père.

Je suis père et elle me veut près d’elle. Mais à quoi s’attendait-elle ?! Les mains qui cerclent le front le serrent en tremblant, mais les yeux ne se ferment pas. Dilatées, les pupilles trahissent la noyade, l’horizon qui se perd dans le néant, les pieds qui s’enfoncent plus bas, creusant après le fond. Comment pouvait-elle croire que nous formions la famille dont déjà le tableau s’affichait en grand dans ses rêves utopiques ? Comment pouvait-elle me croire enclin à vivre simplement auprès d’elle et de… de notre enfant ? J’exècre cette idée plus encore que celle de seulement sortir avec elle comme elle le désirait avant l’instant charnel, le moment de semer la graine d’une parfaite destruction. A t-elle cru qu’après un été passé sans écrire une fois à son adresse, j’allais accueillir la nouvelle avec sourire et chaleur ?! Je vois mes mains enserrer son cou et le serrer, la secouant, lui hurlant la question dans une rage aveugle ; jamais mes pulsions d’agressivité n’ont été si fortes que depuis qu’elle m’a dit, jamais elles n’ont été apparentées à un profond désir à ce point. Je veux lui faire mal, je veux voir son visage convulser sous la douleur pour qu’elle comprenne que jamais elle n’a représenté quoi que ce soit à mes yeux. Un pur prétexte à l’oubli d’un autre visage. Une brume dont je m’entourais pour ne pas faire face à d’autres sentiments. Un outil, une chose.

Mais la chose porte mon enfant.

C’est impensable. Insensé. Comment ai-je pu être si stupide ?!

Le front s’abat contre le mur du bureau. La douleur résonne contre les parois de mon crâne. Mes doigts serrent le pendentif si fort que la tête m’en tourne. Ce collier qui m’enchaîne au plus lourd des secrets et qui me rappelle l’horreur de ma folie pour m’empêcher de m’y perdre encore. Ce bijou que j’avais à l’instant où la conscience du meurtre tout juste commis m’écrasait l’esprit, et que je sais maintenant appartenir à cette jeune femme…

C’est le mot mélodieux d’une colombe qui m’arrache aux chimères. Je lui arrache la lettre qui porte mon nom, mais ces murs m’étouffent. Deux jours qu’ils se font l’écho de mon tortueux soliloque ; je ne respire plus. Mes pas me portent alors, fébrile, jusqu’au dehors. À chacun d’entre eux, j’ai peur de m’effondrer. Toujours ce sentiment d’être en sursis, avant que l’abysse n’ouvre son fond sous des pieds hagards… Les doigts glissent dans la poche de la veste pour y déposer le pendentif, tandis que l’autre main serrent l’enveloppe portant dans ses contours minutieux mon seul nom. Lorsque les yeux se redressent pour épouser l’espace à nouveau, un corps me heurte avec violence.

C’est elle.

La langue que je voulais arracher, les lèvres que j’ai frôlé à l’apothéose d’une sensualité menaçante, la chevelure d’or qui a distillé ses reflets dans mes rêves tout l’été. Il semblerait que des débris de cœur puissent encore battre, car la pulse accélère et me fait suffoquer, alors que des excuses écharpent ses lèvres hésitantes. La tête s’incline car les mots sont bloqués dans la gorge. Mais je n’ai pas besoin d’en dire plus que ses paroles s’enchâssent dans les airs : « oh justement je vous cherchais ! Figurez-vous que le hibou s’est trompé de destinataire pour cette lettre… Enfin je veux dire, non, elle s’adresse bien à un M. Lefebvre, mais il s’avère que j’ai dans mes amis un ami qui porte le même nom que vous, je veux dire qu’il s’appelle Lefebvre, et j’ai oublié de spécifier le prénom, parce qu’il aurait fait toute la différence bien sûr et bref, donc il faudrait que je récupère cette lettre, pour la lui envoyer à lui, l’autre Lefebvre… » C’est comme si le dos trouvait un soudain appui, émergé d’un néant insondable. Tout l’être se redresse imperceptiblement, retrouvant l’aura de ma supériorité apparente, l’assurance. Au moins ai-je encore le dessus sur cet animal craintif, que je crains, hais et désire inexplicablement à la fois. Car ses paroles touchent à l’emphase du ridicule, quand le nom de professeur me destine moi à détacher le feuillet de sa cachette.

Ne te prends pas pour autre chose que ma proie, Hermine.

Pourtant, elle s’approche, malgré sa stature farouche qu’elle tente de rendre autoritaire, les mots l’accompagnant dans son élan malgré le stupide de son explication : « il faut vraiment que je récupère cette lettre. » Ses yeux plongent. Elle se soumet. Et je me dois alors d’être incisif. Quand un monde s’écroule, on saisit n’importe quelle prise. Celle qu’elle m’offre me donne une maigre échappatoire, la dernière occasion d’être fort encore, d’être le dominant. De faire rayonner les derniers restes du papier sur le mur. J’ai besoin de sentir cela. Alors, me forçant à respirer un calme pareil à celui qui sied mes jours habituels, je la regarde d’une sérénité feinte, cherchant à accrocher ses yeux pour les défier soudain. Le corps est droit, la tête haute, le regard limpide à nouveau, lorsque les mains dégagent devant, en évidence, les contours de sa lettre encore fermé, que des doigts tout en retenue viennent décacheter sous ses prunelles stupéfaites. Un geste triomphal place devant mes yeux le parchemin déployé, sur lequel l’écriture a gratté ses états d’âme.

D’une ligne à l’autre, les orbes sautent furtivement. Je ne la regarde plus, mais je sens son malaise. Alors, je me plais à peser sur celui-ci, prenant ma lecture à haute voix. « Je ne comprends pas pourquoi ça me touche autant (…) » ; « (…) pourquoi cela m’obsède autant… » Je termine. La lettre suspendue entre nous, je plante mon regard intrusif dans le sien. Un plaisir volcanique s’accroche à mes veines qui palpitent de la voir si embarrassée. Et pourtant. Tu n’es pas moins monstre que moi, Hermine. Tu peux bien habilement t’enrober d’innocence, je vois clair en toi ; tu voudrais estomper mes peurs, me faire oublier que je sais que tu sais. « Touchant, » je laisse échapper, ironique et terrible. La main qui tient la lettre s’avance, redoutable, vers son visage d’ange. Comme je voudrais t’écorcher les lèvres pour qu’elles ne risquent plus de divulguer mon secret… et comme elles me sont attrayantes pourtant, ces lignes rebondies secouées d’un imperceptible tremblement… Le dos de mon indexe se pose sur le haut de sa joue, la descend en une caresse lente et terrifiante, coulant comme un liquide froid déclenchant un frisson que je perçois d’ici. Je parachève mon geste provocateur en subtilisant une mèche d’or que, blasphémateur d’une pureté si diaphane, je replace derrière son oreille. Elle retient son souffle, n’ose bouger, me laisse faire. J’ignore le frémissement qui me transcende moi, tout ce que son être remue jusqu’au bout de mes doigts. Cette envie qu’elle allume, violente et pourtant étouffée dans la cendre de notre relation destructrice. « N’essaye pas de m’endormir avec tes belles paroles, Hermine… » La voix est traînante, et traîne le sous-entendu des menaces déjà proférées plus clairement, le jour où elle a surpris sur mon bureau son dossier. « Je sais. Je sais que tu sais. »

Elle ne sait pas.

Mon regard se repaît de ses traits pâles et fragiles, glissant le long de ses cheveux, tombant dans ce cou dont je voudrais imprégner mes propres sens. Peut-être est-ce là la solution ? Et si je transformais ce lien en une pure tension sensuelle, peut-être cela la dissuaderait-elle de parler ? Par peur, par embarras… peu importe, n’est-ce pas ?

Mais elle ne sait rien.

Je recule à peine, ramène à moi mes gestes, replie la lettre, range la lettre dans son enveloppe, rentre l’enveloppe dans ma poche. Lorsque la main en ressort, elle s’accable du sort qui me rattrape.

La chaîne glisse hors de sa cachette, s’élance et tombe, et s’écrase dans un léger bruit contre le sol. Au bout, le pendentif brille, reflet des parterres de roses qui s’étendent à nos pieds. Il brille fièrement. Et s’éteint d’un même coup, sans qu’encore je ne le sache, un dernier moment d’assurance et de domination. Persuadé qu’elle sait, je ne me précipite pas pour le ramasser, le dissimuler ; au contraire je le laisse demeurer dans la poussière de l’allée, scrutant des yeux ceux de la jeune femme, prédécoupant dans mon esprit la réaction que je m’attends à y lire. Et pourtant… rien de ce qui se passe n’est comme je me le représente. L’expression qui prend ses traits me prend à la gorge d’une surprise, d’une incompréhension. D’une peur instinctive. Maintenant, elle sait. C'est une certitude.

Et le rouge des jardins est une blessure qui saigne à nouveau.

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Message Posté Mer 1 Aoû - 1:46.
    Le bruit d’une lettre que l’on décachète lentement.

    Le fard de l’opprobre teint les joues rosées d’Hermine en un pourpre violent, tandis que tout son corps s’enflamme. Ses yeux secs la brûlent, ses lèvres honteuses frissonnent sous la chaleur, son genou malade l’abandonne et elle se courbe un peu plus, abandonnant définitivement son masque faiblard de dignité, qui, victime des flammes, se disperse en poussières. Il ne reste plus rien de son allure fière et majestueuse, de son élégance naturelle. Ces vestiges de ses danses frivoles et innocentes d’enfant ont été détruits par la fureur d’un ballet nouveau. Les mystères de Lebfevre tourbillonnent autour d’elle, l’emportant dans leurs glissades, l’emprisonnant dans leurs manèges. Elle trébuche et tombe, et se fait bousculer par les piqués assassins d’ombres et de cauchemars, qui s’entremêlent et se défont, indissociables, s’échappent en pas chassés insaisissables, lui reviennent par des déboulés éparpillés, et la perturbent de leurs petites menées martelant le sol sur lequel elle se débat. Tout est mouvance et précipitation, murmures et incitations. Et son partenaire la fait tournoyer, l’emmène et la repousse, la lance, la rattrape, tour à tour l’enivre puis l’étouffe, la caresse puis la brutalise. La tête d’Hermine tourne, s’égare, à l’instar de ses jambes qu’elle ne contrôle plus et qui tremblent sur ses pointes aussi trépignantes qu’apeurées. Comme Nikiya se débat après la morsure du serpent, Hermine s’agite et se révolte, défie les ombres et leur refuse ses faveurs. Illusion de puissance, qui ne rend que plus brutale la défaite. La morsure mortelle jette la Bayadère à terre quand Hermine sent ses chevilles tremblantes se dérober face aux pas trop pressants de ses partenaires masqués.

    En face d’elle, tout près, si près, Lefebvre extirpe la lettre de son enveloppe fine et la déplie sans pudeur ni inquiétude. Ses traits sont durs, presque moqueurs, et Hermine s’affale sur le banc le plus proche, incapable de rester debout. Sa colonne vertébrale fait saillie, trace la ligne de son maigre dos sous sa robe légère, portrait pitoyable de la révérence imposée à la danseuse. Harassée par sa valse trépidante, elle s’effondre à défaut de réussir à s’en défaire.

    Le tourbillon continue pourtant, malgré son abandon. Il envahit son esprit après avoir essoufflé sa respiration et frappé son corps. Et il martèle, dérange ses pensées, tandis que le silence du professeur se prolonge, vicieux. Crispée, Hermine scrute le parchemin, repensant à ses phrases, tentant de prévoir la réaction de Lefebvre, la craignant autant qu’elle l’attend.

    « Touchant. »

    Le ton narquois de Lefebvre, ses prunelles étincelantes de moquerie et débordantes d’assurance, la giflent. Qu’a-t-il à toujours vouloir se montrer définitivement supérieur ?

    Son ombre s’étale sur Hermine alors qu’il s’en rapproche sournoisement, la forçant à relever le menton pour se voir toisée par le visage fermé du professeur. Son index caresse la joue de l’Hestia, et elle se sent frissonner à son toucher. Il y a quelque chose de profondément inquiétant dans son geste, dans la fraicheur de sa main, dans la manière dont il la frôle à peine… Et il prolonge sa caresse, replace délicatement une mèche derrière l’oreille de la jeune femme pétrifiée. Elle ne réagit pas. Comment le pourrait-elle ? Elle n’est même pas capable de comprendre ce qu’il lui fait, ce qu’elle ressent, ce qui la fait frémir. Ces doigts contre sa peau, effleurant sa joue, jouant avec ses cheveux… Ils semblent délicats. Bons. Pourtant, ce sont les mêmes qui, quelques mois plus tôt, se sont enfoncés dans ses poignets, l’ont maintenue contre le mur, ont voulu l’intimider et la soumettre, lui faire du mal.

    Qui est-il ? Que cachent ses multiples facettes, ses mille sourires, ses tons changeants ? Que signifient ces attitudes doucereuses qu’il mêle si aisément à ses paroles assassines ? Qu’incarnent les vagues sournoises qui déferlent dans ses iris clairs, les ombres qui les voilent, les éclairs qui les transpercent ? Que lui veut-il ?

    Le visage d’Hermine, incontrôlable, s’embrase alors qu’il s’écarte à peine. Son toucher l’a rendue électrique et il lui semble sentir encore l’index de Lefebvre contre sa joue, comme s’il avait enfoncé ses doigts dans sa peau, y laissant une empreinte brûlante.

    « N’essaye pas de m’endormir avec tes belles paroles, Hermine… Je sais. Je sais que tu sais. »

    La menace suinte de chacun de ses mots, poisseux liquide qui dégouline sur Hermine, la tâche, rend glissante, timide, la moindre de ses réactions. Qu’est-elle censée répondre à cela ? Pourquoi la provoque-t-il ainsi ? Que cherche-t-il à lui faire dire ? La tête de l’Hestia lui tourne, ses réflexions s’entrechoquent pour mieux s’annihiler elles-mêmes, de par leurs contradictions. Tout se confond et se mélange. Leur entrevue angoissante, sa brutalité inattendue, le dossier scolaire, ses mystères, ses moqueries, son air paisible, ses traits déformés par la haine, ses menaces, ses douceurs… Lefebvre n’a de cesse de se métamorphoser. Chaque jour, chaque seconde, son visage change, ses expressions muent, ses réactions étonnent Hermine. Chaque seconde substitue un masque par un autre, accumulant les mensonges et déroutant un peu plus la jeune femme. L’homme est un mystère qui s’entretient avec une assiduité inquiétante. Jamais sa main ne tremble lorsqu’elle s’amuse à retirer le voile déguisant ses traits pour le remplacer par un autre. Jamais il ne cille, ni ne faiblit. Ses seuls moments de sincérité semblent être ceux de brutalité. Ceux-là qu’il ne peut freiner, parce qu’ils sont l’expression de sentiments trop puissants, trop imprévisibles, pour ne pas déborder de l’étau qui tente de les retenir. Ainsi donc il la craint. Ainsi, elle en sait trop. Alors pourquoi se sent-elle aussi vulnérable et perdue ? Suivant de ses prunelles égarées les gestes du professeur, Hermine s’évertue à comprendre ses dernières paroles. Vainement. Il lui semble qu’il lui manque une clé, un moyen de relier les attitudes de Lefebvre à ses paroles, ses regards à son ton, ses mystères à ses provocations.

    Il fourre finalement la lettre dans la poche de sa veste, et alors qu’il en retire sa main, sa manche entraine avec elle un pendentif qui, échappant à son contrôle, tombe au sol. Avec un brin de nonchalance et une certaine curiosité, Hermine le rattrape aussitôt, l’emprisonnant dans sa poigne avant de relever les yeux vers le professeur, un demi-sourire étirant ses lèvres. C’est comme un aveu involontaire de l’homme, qu’elle lui aurait arraché sans le vouloir, et qu’elle se félicite maintenant de détenir. Il n’est même pas encore question de percer le secret de cette chaine. Le simple fait de la lui avoir prise, qu’elle soit en sa possession, la réjouit. La situation s’est inversée, et elle jubile alors qu’elle voit se dessiner une nouvelle ride d’inquiétude, au-dessus des prunelles agitées et des sourcils froncés de Lefebvre.

    Reportant son attention sur son vol, la jeune femme ouvre finalement sa paume, découvrant le bijou. Le pendentif brille entre ses doigts, sa chaine coule dans sa main. Et elle caresse doucement le collier, éprouvant ses formes, reconnaissant ses détails. Cet œil taillé qui l'observe... elle le connait. Le souvenir, cruel et vif, la gifle. Cet œil. Elle se revoit le passer au cou de sa cousine, l’observer jouer avec. Il y avait un O, gravé juste derrière… Ophélie l’avait inscrit seule, à l’aide d’un couteau fin. Le résultat n’était pas superbe. Mais il était d’elle, et à elle.

    Comme par une habitude, le pouce d’Hermine retourne alors le collier pour en toucher le dos. Un rond imparfait se dessine sous son doigt. Un rond. Un O. Ophélie. La stupeur de la jeune femme efface son étonnement, tandis que la coïncidence devient évidence sous ses yeux. C’est son pendentif. Le pendentif d’Ophélie.

    Ophélie.
    Tout s'emballe soudain.

    Des pleurs. Des cris, des souvenirs, des craintes, brouillent définitivement l'esprit d'Hermine et inondent ses yeux. Un deuil brutal, enfoui, la secoue. Elle se souvient de leurs rires mêlés, de ses pleurs solitaires. Ses paupières se ferment avec violence, pour empêcher à des larmes traitresses de s’en échapper. Dans le noir de ses pensées tourmentées, résonnent des hurlements. Ceux qui ont déchiré la nuit de sa perte, ceux qui ont voulu ramener Ophélie, ceux qui depuis alimentent ses cauchemars.

    « Vous ne pouvez pas avoir ce pendentif. »

    Son ton est aussi dur qu’implorant. Ses yeux toujours clos, elle referme ses doigts sur l’œil taillé, serrant le poing droit jusqu’à abimer sa paume de ses ongles. Sa main gauche vient envelopper la droite, protection supplémentaire, et elle les porte toutes deux à ses lèvres, les pressant contre sa bouche. Ses paupières hésitent, clignent, s’ouvrent finalement totalement pour permettre à ses prunelles de mieux observer Lefebvre.

    « Dites-moi d’où il vient. Qui vous l’a donné ? Où est-ce que vous l’avez pris ? Depuis combien de temps vous l'avez ? »

    Les questions s'enchainent et se confondent, pressantes et pressées. Perdues.
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