La fête foraine, on peut dire que Nathanaël en avait entendu parler. La plupart des filles piaillaient à propos de ça, tentant désespérément de convaincre un petit ami ou un simple ami de les accompagner. Le jeune homme, pour sa part, avait plus ou moins réussi à passer entre les mailles du filet. Enfin, avec son caractère de clown on l’imaginait certes aisément dans ce genre de décor mais il avait toujours réussi à trouver une excuse pour ne pas y aller, une excuse béton en général en plus. En réalité, il n’avait vraiment pas envie d’y aller. La fête foraine pour lui c’était l’enfance, l’insouciance et il pensait très clairement ne plus avoir accès à tout ça. La seule personne qui arrivait réellement à le projeter en enfance c’était Micaëla et il se doutait bien qu’elle avait d’autres projets que de celui d’aller passer un moment avec lui. Il s’était fait à cette idée depuis un moment et ne se trouvait donc pas à cause de cela dans un état larvatique profond. Non, il cherchait juste une autre façon d’occuper sa journée, un moyen de se détendre tout simplement. Les cours allaient bientôt reprendre et il fallait bien avouer que le jeune homme n’était vraiment pas pressé de retourner s’asseoir dans un coin de la salle de classe et attendre que le temps passe. Alors il voulait profiter au maximum du temps qui lui restait. Vêtu d’un simple T-shirt blanc, d’un bermuda kaki et de chaussures en toile le blondinet avait décidé d’aller se promener sans but. Quand ses camarades d’écurie l’avait vu sortir ils avaient nécessairement fait des vannes sur un possible rendez-vous galant que Nath’ n’avaient pas vraiment totalement contrarié. Il préférait qu’on le pense entrain de minauder avec une jeune fille plutôt qu’à se promener sans but ni destination avant de réunir au mieux ses idées, de penser à sa prochaine production écrite. Aussi, l’adolescent avait déconné un peu avec ses camarades, répondant toujours avec le sourire et tournant tout en dérision avant de pouvoir définitivement s’échapper de là et se rendre dans sa petite bulle. Les mains dans les poches, Nathanaël se laissait guider par ses pas, comme toujours. Il faisait chaud en cette saison et sa peau habituellement pâle avait légèrement doré. Mais le garçon n’était pas vraiment un adepte de la bronzette et de la chaleur aussi il n’était pas du genre à s’étendre au soleil pendant des heures à attendre je ne sais quel signe de Dieu. Non lui ce qu’il aimait c’était rire, faire le crétin avec ses amis ou alors, quitte à être seul avec soi-même, laisser libre cour à son inspiration. Toujours était-il que le jeune homme était dans son petit monde, comme cela lui arrivait souvent dès qu’il se retrouvait seul. Il se formait alors une véritable coquille.

C’est ainsi que le blond se retrouva dans un lieu qu’il n’avait pas prévu tant il avait avancé sans trop faire attention. Mais avant même qu’il n’ait le temps de s’interroger clairement sur ce qui l’avait amené ici, des voix retinrent son attention. Il n’eut besoin que de trente secondes pour les identifier. Nath’ fit alors volteface pour se retrouver nez à nez avec sa cousine Rosalina et ma sœur. Un sourire naquit alors sur les lèvres du jeune garçon qui le manipula cependant aisément pour qu’il soit en coin, qu’il ressemble à ceux qu’arboraient les jeunes gens de son écurie. Sa sœur lui proposa alors d’aller à la fête foraine avec elles deux tandis que sa cousine vint lui dire bonjour. Le jeune homme était légèrement pris de cour aussi il n’eut pas vraiment le temps de réfléchir au pourquoi du comment mais il n’eut bel et bien que la possibilité de sortir de sa gorge les premiers mots qui se formaient dans son cerveau.

« Salut les minettes ! Bah oui je pète la forme, j’essayai d’éviter une fille en furie alors vous accompagner me semble être une excellente idée ! »

Toujours faire le fier, ne jamais avouer que c’était la simple perspective de passer un peu de temps avec Micaëla qui l’avait convaincu. En même temps, elle ne l’avait invité que parce qu’ils s’étaient croisés alors le jeune homme se voyait mal faire comme s’il attendait cela depuis longtemps. Et puis c’était son orgueil, une fois de plus, qui parlait pour lui. Et ça, c’était bien une chose qu’il avait du mal à contrôler depuis maintenant un bon bout de temps. Enfin, les jeunes gens prirent tout de même ensemble la direction de cette fête foraine et à peine furent ils arrivés que le garçon de la bande comprit qu’il allait passer la journée avec deux petites filles et non deux jeunes femmes. Cette idée le fit doucement rire et il ne fit pas de commentaire sur la chose. Bien que moins abasourdit que les deux demoiselles, Nath’ prit tout de même le temps de balayer le lieu du regard. Il avait l’impression d’être dans un lieu dont chaque enfant pourrait rêver, c’était assez amusant comme idée. C’est alors que Rosalina pointa quelque chose du doigt… Une mare au canard. Nathanaël voulut profiter de l’occasion pour faire une petite réflexion bien plus comique que méchante mais avant même qu’il n’ait le temps d’ouvrir la bouche sa sœur l’attrapa par la main et l’entraîna à sa suite. Cela lui coupa toute envie de manifester sa grande gueule et une fois devant le stand il se contenta d’attraper machinalement la canne qu’on lui tendait, encore un peu secoué pour le coup. Il n’avait pas une folle envie de jouer, ce serait clairement mentir que de prétendre le contraire mais c’était un moyen comme un autre de faire en sorte que Rosalina et son frère ne lui vole pas totalement Mi’ et ça, c’était un objectif très motivant. Le jeune homme se mit donc à l’œuvre, tirant à moitié la langue dans un geste volontairement ridicule mais parvint tout de même à attraper quelques bestiaux avec de grands gestes victorieux.


« Je suis le champion les filles, vous ne pouvez rien contre moi ! »

Comme pour aller dans le sens de ses propos, Nath’ attendit que le monsieur du stand porte son attention ailleurs pour se pencher, prendre de l’eau au creux de sa main et la jeter en direction des jeunes filles avec un grand sourire des plus enfantin. Il répéta l’action à trois fois avant de se relever en vitesse pour ne pas se faire attraper par le forain à qui ce petit jeu risquait fort de ne pas plaire.

Il n’y avait rien à dire Nathanaël était le roi de la filouterie et des petits jeux dans le genre, j’éclabousse ma sœur et ma cousine. S’il avait réussi à faire cela assez discrètement pour que le forain ne le voit, les deux filles se firent en revanche attraper quand elles voulurent répliquer et le jeune homme du se mordre la lèvre pour ne pas éclater de rire face à l’air sévère du forain. Il faut dire que c’était cocasse, une fois de plus il provoquait le n’importe quoi, s’en sortait pas trop mal et puis, cet air méchant alors qu’ils étaient en train de s’amuser comme des enfants était plus qu’amusant. Le jeune sorcier n’avait jamais été du genre sérieux et n’avait pas vraiment l’intention de le devenir du jour au lendemain. Ce qu’il aimait c’était faire l’andouille et ce n’était pas parce qu’un monsieur derrière son stand de pêche aux canards lui faisait les gros yeux qu’il allait décider de s’assagir. Mais bon, ce n’était pas non plus le moment de s’attirer des ennuis et de gâcher la journée de tout le monde, aussi il rendit sa canne au monsieur avant de suivre les filles vers le stand suivant. La bonne humeur avait fini par l’envahir même s’il ne pouvait s’empêcher de ressentir une étrange gêne. C’était vraiment rare depuis un moment maintenant qu’il passe ainsi du temps avec sa sœur et il avait clairement peur de faire quelque chose de travers. Il était tellement content de pouvoir partager quelque chose avec elle que l’idée de ne pas agir comme il le fallait, de faire un truc qui lui déplairait et la pousserait à s’éloigner encore lui nouait légèrement les intestins. Enfin, s’il commençait déjà à se pourrir l’esprit avec ce genre de questionnement, il n’était clairement pas sorti de l’auberge alors il avait plutôt intérêt à penser à autre chose et à profiter au maximum de cette journée, c’était le but non ? D’ailleurs, l’activité suivante était faite pour lui remonter le moral. Rosalina avait en effet décide de se diriger vers un stand de tir à la carabine en lui lançant clairement un défi. A cela, il répondit par un grand sourire et un clin d’œil, pas de réplique orale pour l’instant, il la gardait pour plus tard. Malgré sa maladresse dans la vie quotidienne, Nathanaël avait toujours eu un bon coup d’œil et visait assez bien, ce qu’il avait pu voir lorsqu’il déconnait à faire des parties de Quidditch avec ses potes. Il n’avait donc pas l’intention d’être en reste et comptait bien montrer à sa cousine et sa sœur, surtout à cette dernière, qu’il était le champion. L’air outrageusement décontracté, sifflotant même, l’adolescent tira quelques pièces de sa poche pour payer le forain et prit calmement la carabine. Il était sûr de lui et n’avait pas intérêt à se planter. Quelque part, cela lui mettait un peu la pression mais ça, personne à part lui n’était obligé de le savoir. Nath’ tira alors calmement et réussi à avoir les cinq ballons. Il posa alors l’arme avec un énorme sourire surtout que les deux jeunes filles semblaient avoir plus de mal que lui.


« Je suis le champion un point c’est tout ma p’tite Rosalina, tu ne peux rien faire contre moi. »

De la provoc’ pure et dure, oui c’était le terme. Et le pire dans tout ça c’était qu’il n’en avait nullement honte. Par contre, lorsqu’il reçu son cadeau, un T-shirt avec marqué dessus « I Love les Licornes », il ne pu s’empêcher de faire une mine dubitative et de tenter le lot à sa sœur qui en verrait peut être plus l’utilité que lui ou pourrait le donner à quelqu’un. Parce que bon, il tenait quand même un minimum à son image et il ne pouvait pas dire que c’était le look qui lui correspondait le mieux. Alors que les deux jeunes filles avait décidé de retenter leur chance, Nath’ décida d’en rester là, sous prétexte de ne pas vouloir les complexer d’avantage. Ce n’était pas forcément gentil de dire ça mais cela correspondait tout à fait au blondinet. Et puis, pendant que les deux jeunes filles tiraient à nouveau, Nathanaël repéra une personne en train de fumer. Il n’était pas un accroc de la clope, il n’en achetait jamais à vrai dire mais cela lui faisait plaisir de temps en temps et il n’y avait rien de mieux pour calmer un peu son stress. Il alla donc demander avec son plus beau sourire et réussi à obtenir une cigarette. Il se dirigea alors vers sa sœur et lui emprunta le briquet qu’elle avait gagné au tir pour l’allumer. Il se doutait bien que cela risquait de ne pas plaire à Micaëla et c’était peut être d’autant plus pour ça qu’il avait décidé de le faire ostensiblement devant elle. Pour qu’elle s’intéresse à lui mais il n’allait pas l’admettre, ça c’était clair. Il observa alors sa sœur qui n’avait finalement réussit qu’à avoir un seul ballon. Il déposa alors une petite tape sur son épaule, lui adressant un grand sourire.

« Tu veux que je t’offre une crêpe pour te réconforter ? Ou autre chose hein dis moi p’tite sœur ! »

Micaëla avait beau être sa jumelle, il s’amusait à l’appeler sa petite sœur juste pour l’embêter un peu. D’autant plus que pendant leur enfance, c’était plutôt elle qui jouait le rôle de la plus grande et il le savait très bien, c’était elle qui veillait sur lui alors qu’il se contentait de n’être que ses bras pour le protéger. Il se tourna ensuite vers sa cousine qu’il n’avait pas envie de laisser en reste non plus. Certes il lui arrivait souvent de lui en vouloir parce qu’il avait l’impression qu’elle lui piquait sa sœur mais elle était toujours gentille avec lui et au fond, il l’appréciait vraiment. Il tira donc sur la cigarette qu’il venait de se faire gentiment donner avant de lui demander sur un ton enjoué. Son sourire semblait décidément imprimé sur son visage, comme s’il ne pouvait pas s’effacer. Un vrai bout en train, c’était indéniable.

« Je t’offre aussi quelque chose Rosalina si tu veux ! »

Micaëla… Comment pouvait-elle imaginer qu’il avait besoin d’un briquet pour penser régulièrement à elle ? Nathanaël ne cessait de penser à elle, de se demander comment elle allait, ce qu’elle pouvait bien faire avec leurs cousins alors qu’elle s’était volontairement séparée de son propre frère. Mais en même temps, cette simple petite attention le toucha. Il y avait bien longtemps qu’ils n’avaient pas échangé de simples gestes affectueux, empli de douceur et loin des artifices que la société leur imposait. Oh bien sûr, ils s’offraient des choses à Noël où aux anniversaires, ils se comportaient comme deux jumeaux sains et proches, comme les images que l’on trouvait dans les livres où les films américains qui présentaient une jolie petite famille parfaite. Mais cela n’avait jamais suffit au blond. Il voulait plus, il voulait retrouver la jumelle qu’il avait eu dans son enfance, celle avec qui il n’avait pas besoin de parler pour comprendre le fond de ses pensées, celle avec qui il passait toutes ces journées à rire et se gorger de plaisirs enfantins. Tout cela lui manquait profondément et il se demandait réellement si un jour il pourrait retrouver cela. Ce simple geste lui donnait la sensation que peut être, cette année, il parviendrait à rétablir le lien, à lui faire oublier son comportement en compagnie de leurs grands parents et lui prouver que son affection pour elle n’avait pas disparu, loin de là. Que contrairement à ce qu’elle semblait s’imaginer, il n’était pas si différent que ça d’elle, qu’ils avaient gardé de nombreux points communs, ne serait ce que dans leur rapport à l’art. Mais ça, elle n’en savait rien. Elle ne le voyait encore, comme le reste de ses camarades, comme le clown de servie, à peine capable de pousser son esprit plus loin que la simple plaisanterie. Oh il ne pensait pas que sa sœur le prenait pour un idiot, juste qu’elle ne savait pas ce qu’il pouvait bien cacher et que de ce fait, elle devait avoir la sale impression qu’il n’avait pas d’autre intérêt que sa gémellité avec elle. Pourtant c’était faux et Nath’ comptait bien lui montrer un de ces quatre. D’ailleurs, une magnifique occasion se présentait à lui. Car en effet, s’il avait aussi proposé à Rosalina de venir manger un bout avec eux, il ne l’avait fait que par politesse, par respect pour l’affection que sa sœur avait pour sa cousine. Mais en réalité, ce à quoi il aspirait, c’était un moment de complicité avec Micaëla, rien de plus. Il fut donc ravi, sans oser l’avouer, lorsque sa cousine déclara qu’elle préférait rester ici, au stand de tir, afin de s’exercer encore. Le jeune homme afficha alors un petit sourire faussement narquois. De la pure provocation, ce sourire symbolisait juste sa pensée, il voulait l’agacer en lui faisant comprendre qu’elle n’atteindrait jamais ce niveau dans ce domaine. Elle devait très bien comprendre cette simple petite mimique faciale mais son côté chieur le poussa à enfoncer le clou en formulant à voix haute ce qu’il venait d’exprimer par ce sourire.

« Entraîne toi bien alors mais ne va pas te jeter dans la marre aux canards si tu te rends compte que tu ne pourras jamais atteindre mon niveau… »

Nathanaël tira alors la langue à sa cousine, d’un air enfantin avant de s’éloigner du stand en compagnie de sa jumelle. Cette dernière semblait être un peu surprise elle aussi mais le jeune homme était tellement plongé dans une dimension parallèle, ce genre de moments ne leur étant pas arrivé depuis maintenant bien longtemps, qu’il lui paraissait bien difficile d’établir un bilan de ce qui était en train de se produire, d’analyser le comportement de Micaëla. Si en temps normal il n’était pas trop mauvais dans ce domaine, autant dire que là, toutes ses compétences étaient totalement annihilées. Le jeune homme écouta alors sa sœur débattre à voix haute de ce qui lui faisait le plus envie tandis que Rosalina jouait une scène dramatique derrière eux car elle venait d’échouer à sa dernière tentative. Nath’ tourna alors la tête vers elle et ne pu s’empêcher de lâcher un simple rire. Ce n’était pas de la moquerie mais le surjeu qu’elle venait de produire avait quelque chose de très divertissant, on ne pouvait pas le nier. Il la taquinerait sans doute là-dessus quand ils la retrouveraient après leur petite escapade. Mais pour l’instant, il avait bien d’autres choses à penser. Comme de savoir comment il devait se comporter avec sa sœur. Tirant alors sur la cigarette qui commençait à être bien consumée et regarda sa sœur. Il ne savait pas trop ce qu’il devait faire. Alors qu’il attendait cet instant depuis un bon moment, il se trouvait maintenant plongé dans un abyme de perplexité. Il avait peur de mal agir, de dire un truc de travers qui la repousserait. Car lui avait toujours envie de passer du temps avec sa jumelle mais sans doute n’était-ce pas la même chose pour elle ? Comment pouvait-il le savoir ? Après tout, elle avait leurs cousins, elle ne sentait très certainement pas seule. Elle partageait sa passion pour la musique avec eux, ce qui la protégeait de cette atroce sensation de vide qui en définitif était devenu sa meilleure amie depuis bien des années. Mais penser à ça maintenant ne l’aiderait sans doute pas à avoir un comportement assez naturel pour que sa sœur se sente bien avec lui. Car s’ils étaient moins proches qu’avant, ils restaient jumeaux et de ce fait, ils étaient capables de lire chacun les émotions de l’un ou de l’autre selon certains critères. Il ne voulait pas qu’elle sache tout alors il allait devoir se montrer des plus habiles.

« Bon alors, dis moi tout, qu’est ce qui te ferait plaisir, profite bien de mon jour de générosité ! »

Nath’ n’avait jamais été particulièrement égoïste aussi cette phrase était plus un trait d’humour qu’autre chose. Mais quoi qu’il en fut, sa sœur n’avait que guère eu l’occasion de connaitre ses récentes évolutions. Il lui arrivait pour sa part d’observer souvent sa sœur pour voir ce qui se passait dans sa vie, les choix qu’elle faisait, si elle se portait bien. Il doutait que cela soit la même chose dans l’autre sens mais après tout, la vie réserve toujours des surprises… Ce qu’il espérait surtout c’était qu’elle n’éprouve pas soudainement un total désintérêt pour lui. Il craignait qu’elle ait l’impression qu’ils n’aient rien en commun et que, l’envie de passer un peu de temps avec lui s’estompe rapidement. C’était sans doute cela sa plus grande crainte en cet instant et en même temps, il ne pouvait qu’attendre et observer. Il ne lui restait aucun autre choix.

« Alors, que s’est-il passé de ton côté dernièrement ? »