« Merde. »

Bon. Tu es perdu. Ça, c'est une chose qui est sûre et certaine.
Magnifique, vraiment. Tu te surpasses ces temps-ci. Avaler un bout de pomme qui te fait gonfler comme un ballon de baudruche, oublier une bombabouse dans la salle de déjeuner, te retrouver par hasard dans la salle de bains des filles pendant qu'elles se douchent, d'accord. Mais te perdre...
Certes, tu n'as jamais eu un sens de l'orientation très développé. C'est le talent de Kimberly, ça. D'ailleurs, petit, tu ne te fiais qu'à elle pour vous ramener chez vous lorsque vous décidiez qu'une petite balade en ville vous ferait le plus grand bien. Mais là, Kimberly n'est pas avec toi pour te montrer le chemin de la maison. A vrai dire, tu ne sais absolument pas où elle se trouve, même si tu présumes qu'elle doit être en train de tricoter quelques moufles avec Dakota. Bien. Maintenant, il ne te reste plus qu'à te débrouiller, en somme.
Où es-tu ? C'est la question à un million de gallions.
Tu regardes autour de toi, et ne vois que du noir. Encore et toujours du noir. Avant ça, tu étais dans un couloir, tu t'en souviens. Tu étais partis à la recherche d'Enora, cette petite rousse que tu aimais bien. Tu voulais lui parler musique, voir si elle n'était pas partant pour un bœuf avec toi. Tu avais même ta guitare sur le dos. Tu l'as toujours d'ailleurs, à en croire le poids sur ton épaule. Mais, pour tu ne sais quelle raison, tu l'as perdue. Et t'es retrouvé devant un trou béant dans un mur. Un trou qui ne demandait qu'à être visité, selon toi. Alors tu es entré. Et c'est le noir total.
Soudain, tu te souviens que tu es un sorcier. Tu peux illuminer la pièce, si tu le souhaites. Alors, avec un soupir de soulagement, tu sors ta baguette de ta poche, et l'illumine d'un simple sort. Tout parait ainsi beaucoup plus clair. Beaucoup trop clair même. Ou pas assez, allez savoir.
Tu n'y vois guère plus. La noirceur de l'endroit semble absorber tout ce qui ce trouve dans cette pièce, si bien que tu sens des objets autour de toi que tu ne peux voir. La seule chose qui attire ton attention, c'est un escalier. Un escalier tellement brillant, tellement scintillant, qu'il ne peut mener qu'au Paradis. Tu t'avances doucement vers lui, et le caresse d'une main. Il t'a l'air inoffensif, mais sa manière d'être, comme s'il t'invitait à monter te rends un tantinet suspect. Ne t'as t-on toujours pas dit que les objets ensorcelés pouvaient avoir une mauvaise influence sur l'homme ? Tu sais que cet escalier n'est pas normal, tu le sens dans toutes les particules de ton corps, et pourtant, tu as envie de tenter l'aventure. De grimper cet escalier. D'explorer l'inconnu. Tu ne sais même pas si les français eux-mêmes connaissent cette salle, tu te dois bien que t'aventurer dans ses moindres recoins, de façon à les tenir au courant ! Et puis, qui sait si cette pièce ne pourrait pas être utile au groupe de rebelles ? Tu n'en sais rien. Et tu ne le sauras pas tant que tu n'auras pas une idée claire et précise de ce qui se cache ici, ou de ce qui peut y être caché.
Alors, tu poses un pied sur la première marche. Et un autre sur la deuxième. Tu atteins à peine la troisième lorsque des bruits de pas t'arrêtes. Tu éteins automatiquement ta baguette, ce qui n'est pas le cas de la personne qui apparait devant toi, apparemment en quête de quelque chose.
Tu la reconnais facilement grâce à sa tignasse blonde.
Tu te relèves brutalement de ta maigre cachette et rallume ta baguette.

« Fulmina ? »

Toi qui pensais que personne ne connaissait cet endroit, tu as apparemment eu tord.

Ta tête tourne. Tu ouvres de grands yeux perdus et tu tentes désespérément de te rappeler comment tu as pu te retrouver là. Tu penses avoir suivi quelques élèves, mais tu es loin d’en être certaine. Tu ne sais pas pourquoi tu es là, comment tu t’es rendu là et le plus important, comment tu vas en sortir. Tu vois bien que tu es passée dans un gros trou. Puis après? Après, tu ne sais plus trop. Il faisait très noir. Trop noir, même. Tu fouilles donc ta poche à la recherche de ta baguette, te disant qu’il ne te suffirait que d’un mot pour que tout s’éclaire. Tu enfonces donc ta main dans ta poche droite. Puis dans la gauche. Tu te mets à les tamponner fébrilement, à les retourner même. Pourtant, c’était bien clair : tu n’avais aucune idée d’où se trouvait ta baguette. Tu soupires. Merdouille. Ce n’est qu’à toi que ce genre de choses arrive. Mais où était-elle? Tu te mets à quatre pattes sur le sol en grommelant, néanmoins inquiète. Si tu te trouvais à Poudlard en ce moment, tu saurais quoi faire. Tu avais des amis géniaux, ils auraient pu parfaitement bien t’aider. En plus, tu connaissais les lieux comme le fond de ta poche. Mais ici, à Beauxbâtons? Tu t’étais perdue plus d’une fois dans l’Académie et tu te doutais que ce n’était pas la dernière fois que ça arrivait. Tu te mets donc à tâter le sol de tes mains à la recherche de ton petit bout de bois. Tu ne savais pas du tout ce qui allait t’arriver si tu la perdais, surtout ici, quelques jours seulement avant la troisième tâche. Ton petit doigt te disait que tu en aurais probablement besoin le jour J.

Tu te rends soudainement compte que ce n’était pas tant la perte de ta baguette qui t’effrayait, mais le noir qui t’entourait. Tu n’avais jamais été une grande fan de cette couleur, ou de cette absence de couleur. Te voilà maintenant entourée de noir. Et maintenant, tes mains se mettent à trembler. Génial. C’était exactement ce qu’il te fallait. Tu étais prise dans le noir, sans baguette, complètement vulnérable à quiconque passerait par le même trou que toi. Bizarrement, tu te mets à espérer que quelqu’un l’emprunte, ce fichu trou, et qu’il aurait la brillante idée d’illuminer un peu les lieux. Tu t’assois sur le sol froid et tu serres tes mains contre toi. Tu espères qu’elles vont bientôt arrêter de trembler, et tu espères aussi que personne ne te découvrira ainsi. En fait, tu ne sais plus vraiment ce que tu veux. Tu veux de la lumière pour faire disparaître cette noirceur effrayante, mais tu ne veux pas qu’une vile personne te surprenne ici en train de broyer du noir, sans mauvais jeux de mots. Tu ne supporterais pas les moqueries. Tu sais bien que quiconque te trouverait ici aurait d’excellentes raisons de rire de toi et te de pointer du doigt. Après tout, tu étais perdue, tu avais égaré ta baguette magique et tu étais désormais assise sur le sol en train de trembler de tous tes membres. N’importe qui ayant besoin d’une victime se serait nécessairement défoulé sur toi.

Tu n’arrives pas à arrêter tes tremblements. Dès que tu penses qu’ils sont partis, ils repartent de plus belle. Tu as honte de toi. Tu as honte de ta faiblesse. Après réflexion, tu espères sincèrement que personne ne va se pointer ici. Tu préfères nettement plus rester dans le noir, loin des regards indiscrets, que de devoir affronter le regard moqueur d’un élève d’une autre école ou pire, de la tienne. Finalement, après de nombreuses tergiversations, tu prends ton courage à deux mains et tu te relèves. Tu ne sais vraiment pas où est ta baguette, et son contact dans ta poche te manque et t’effraie. Tu sais qu’elle est la seule à pouvoir te sauver dans les situations délicates, et ne pas la savoir là te rempli d’effroi. Tu as peur de ce qu’il va t’arriver, et même si tu essayes de te convaincre que ta maladie amplifie tes émotions, tu n’es pas capable de te calmer. Tu te répètes que tu fais encore une crise, que tu as encore une de ces sautes d’humeur qui ont tant fait peur à Jezabel, cette demoiselle de Beauxbâtons qui a été si méchante avec toi à cause de ça. Tu refuses de laisser ça sortir, alors tu te renfermes sur toi-même et tu espères que ça va passer. Sauf que ça ne passe jamais comme ça, et tu le sais. Simplement, tu t’es habituée à le répéter à tous tes proches pour qu’ils ne s’inquiètent pas. Mais toi, tu t’inquiètes et parfois, tu aimerais partager cette inquiétude avec quelqu’un qui pourrait te rassurer.

JERICHO « Fulmina ? »

Tu relèves brusquement la tête en entendant ton nom. Tes joues se mettent à rosir, car tu sais que tu ne devais pas avoir l’air bien brillante à regarder fixement le sol ainsi. Tu te retournes donc vers la voix masculine, pour découvrir ton ami Jericho derrière la baguette qu’il tend et qui illumine la place. Eh ben le voilà, ton sauveur à la baguette qui fait de la lumière. Tu lui souris parce que tu l’apprécie beaucoup, puis tu hésites un peu. Tu ne sais pas si tu devrais lui dire que tu es inquiète, que tu as perdu ta baguette et que tu penses que ta maladie va bientôt te faire dire ou faire des trucs débiles. Tu ne sais pas si tu devrais lui montrer tes mains tremblantes, si tes yeux effrayés devraient croiser les siens. Tu ne sais même pas si tu devrais lui dire que tu ne te souviens plus comment tu es arrivée ici. Alors, tu mets tes mains dans tes poches, tu fuis son regard et tu espères qu’il ne remarquera rien. Mais bon, tu ne te fais pas d’illusions, tu sais qu’il te connaît bien et qu’il va sûrement remarquer que quelque chose ne tourne pas rond. Parce que si ça tournait rond, tu lui aurais fait le plus gros sourire du monde, tu lui aurais donné un beau gros câlin amical et tu lui aurais demandé ce qu’il faisait là et s’il voulait passer un peu de temps avec toi. Mais non. Rien de tout ça. Juste un petit sourire pas trop convaincant. Il ne fallait pas être un génie pour tout comprendre. Alors, tu prends une grande inspiration et tu décides de tout dire d’un seul coup, très rapidement et sans prendre le temps de respirer.

FULMINA « J’aiperdumabaguettejemesuisperduejenesaispasoùjesuisj’aipeur
mesmainstremblentmaisn’empêchejesuiscontentedetevoir. »

Oulah. Tu ris un peu nerveusement en te balançant légèrement sur tes pieds. Ça, ce n’était peut-être pas ton moment le plus glorieux, mais au moins, c’était sorti.

Tu ne t'attendais pas à trouver quelqu'un ici. Tu pensais être seul, que personne ne connaissait cet endroit. Tu pensais avoir un moment pour toi, sans Dakota, sans Texas, sans Kimberly, sans même Becky. Un moment rien qu'à toi pour explorer ce château. Pour t'y perdre, à ta guise ou non. Mais si tu avais pensé pouvoir rencontrer quelqu'un, tu n'aurais certainement pas pensé à Fulmina. Fulmina la nerveuse, la jolie, la drôle, Fulmina ton amie, celle qui n'aime pas se montrer faible. Tu l'admires pour ça. Fulmina, c'est probablement la personne la plus courageuse que tu connaisses, mis à part ta mère. Elle ne connait pas le mot défaite, et ne veut pas que les gens aient pitié d'elle. Elle en est presque extraordinaire.
Et tu la connais bien, Fulmina. Assez même pour froncer un peu les sourcils en la voyant presque surtout, et cacher vivement ses mains dans ses poches. Assez pour dire que son sourire est un peu forcé, pas assez vrai par rapport à tout ce qu'elle te donne habituellement. Il n'y a pas à dire, c'est un de ses mauvais jours, c'est sûr. Tu fronces un peu plus les sourcils lorsqu'elle prononce sa phrase incompréhensible. Tu essayes de démêler ses mots un instant, et pose ta main sur la rampe de l'escalier pour amorcer une descente.

Et tu te souviens de l'escalier. Cet escalier. Cet escalier qui semble t'appeler, t'inciter à venir explorer l'étage auquel il est relié. Comme si une force, bien plus puissante que la magie elle-même voulait t'apprivoiser, te dompter. Comme si elle te laissait l'approcher, toi, pauvre humain si chanceux pour ça. Pendant un instant, ton visage se détends, et tu ressens une pointe de colère contre Fulmina. Elle n'aurait pas pu arriver à un autre moment, non ? Plus tard, quand tu serais parti, ou beaucoup plus tôt ?! Tu voulais juste explorer cette salle toi, par t'occuper de tes amis, ou d'une quelconque autre personne. Ta main glisse doucement contre le bois, le caressant, et tu ne te rends même pas compte que des échardes ont transpercées ta paume. Tu es comme hypnotisé.
Mais un raclement de gorge te fais revenir à toi.
Fulmina. Tu ne dois pas oublier Fulmina.
Alors, tu commence à descendre, et te rends compte, avec un peu de surprise, que tu avais encore avancé de quelques marches, sans le faire exprès. Tu fronce une nouvelle fois tes sourcils châtains lorsque tes pieds retrouvent la froideur du sol de Beauxbâtons. Tout à coup, l'escalier te semble bien plus menaçant.
Tu tournes la tête vers Fulmina, et ne sais plus ce qu'elle fait ici.
Et tu vois ses mains dans ses poches. Tu remarques un tremblement discret. Et tu te souviens.

« Je... Désolé, je... Je me suis perdu dans mes pensés. Tu jettes un dernier coup d'oeil perturbé à l'escalier, de plus en plus menaçant, et tu fais un petit sourire à ton amie. Attends, elle ne doit pas être loin... »

Tu te secoues un peu intérieurement. Il faudra que tu parles de cet escalier à Texas. De l'effet qu'il a eût, et qu'il semble toujours exercer sur toi. Il sait probablement quelque chose là-dessus, lui. Tu approches ta baguette du sol, et l'examine, à la recherche de la baguette de la blonde. En voyant tout les bout de bois qui jonchent le sol, tu te mords l'intérieur de la joue. Quelle idée de laisser tomber sa baguette ici ! Tu te redresses, et pointe ta propre baguette sur le sol, avant de lancer un sort d'attraction. Un bout de bois plus fin et plus lisse que les autres s'élève du sol, et se pose droit dans ta main. Tu te retournes vers Fulmina avec un sourire minuscule.

« Et voilà l'objet tant désiré ! Tu aurais mis un bout de temps à la retrouver dans tout ce bordel, c'est pire que Bagdad ici ! Tu soupires, un peu, et laisses ta curiosité s'exprimer. Mais en fait, qu'est ce que tu fais là ? C'est un peu loin de ton dortoir, non ? »

Ceci dit, ce n'est pas comme si toi, tu étais à ta place.
Beauxbâtons était vraiment un endroit bizarre.