Les cours d'histoire de la magie ne lui manquaient pas le moindre du monde et pour cause, lorsqu'elle observait ces tonnes de livres ornant les bibliothèques, elle se disait que bien trop d'évènements avaient eu lieu pour qu'elle puisse tous les comprendre. Comprendre était une chose mais lire en était une autre. La jeune Hestia aimait lire, là n'était pas le soucis, mais lorsqu'il s'agissait de l'histoire de France, il n'y avait plus personne. Et pourtant, alors que des élèves de troisième année venaient de sortir, heureux de recouvrer cette liberté leur ayant été retirée durant deux heures, la jeune femme entrait à son tour sans prêter attention aux personnes restant. Pourquoi ne pas s'intéresser au passé de son beau pays ? Comme si elle n'avait pas assez de travail personnel comme ça ... Être en neuvième année était plutôt difficile surtout depuis qu'un nouveau et strict directeur avait pris les commandes du bâtiment mais il fallait bien s'aérer l'esprit et s'octroyer un instant de répit avant de s'enfermer dans sa chambre et réviser jusqu'au couvre-feu.

Avançant prudemment au milieu des étagères, comme si les livres qu'elles contenaient pouvaient l'attaquer d'un instant à l'autre, son regard s'arrêta sur la tranche d'un des livres. Un ouvrage marron recouvert d'une écriture penchée dorée évoquant les frasques de LOUIS XIV et de sa chère femme, Marie-Antoinette. Amelia n'avait jamais réellement compris à quoi servait une guillotine ... Ce bouquin lui offrirait peut-être l'opportunité de découvrir un schéma explicatif de cet engin désuet ayant tranché bien des têtes ? Et pourquoi s'intéresser à la décapitation ?

La réponse jaillit à son esprit alors que la porte de la salle de cours se flanquait dans son dos et qu'elle croisait un regard familier. Cette jeune fille ... elle la connaissait ! M'enfin, connaître était un bien grand mot ! Elle ne connaissait d'elle que ce que Justin avait bien voulu lui révéler à son sujet et depuis, elle s'en était toujours méfiée. Elisa Montespan trônait là, assise à un bureau, les mains apposées sur les pages d'un livre qu'elle devait certainement lire avant que la porte massive ne se referme ... Aucun danger, elle pourrait certainement pouvoir sortir et aller lire ailleurs ! Son ventre grondait, ses yeux se plissaient alors qu'elle détournait le regard et se dirigeait, le livre sous le bras, vers l'issue de secours. Comment agir avec l'ex de Justin ? Comment pourrait-elle la regarder dans les yeux alors qu'elles étaient "rivales" ?
Cependant, fuir ne fut pas chose facile. À peine posait elle la main sur la poignée de la porte pour la tourner que cette dernière résistait. Elle eut beau réitérer son geste à plusieurs reprises, la salle de cours les avait emprisonnée à jamais ! Jurant, elle tournait encore le dos à Elisa quant elle essaya de jeter un sort à la porte pour qu'elle ne s'ouvre ... rien à faire ... elle était condamnée à trouver une solution avec la Dionysos ... mais, pour le moment, elle s'évertuait à faire se mouvoir sa baguette de bas en haut pour forcer la porte à s'ouvrir.

« Quelque chose ne va pas ? »

L'Hestienne se figea alors qu'une voix délicate s'élevait à son oreille au même instant où elle s'acharnait vivement sur la poignée de la même porte qui jouait la résistante. Quelle idée de la laisser emprisonnée dans une telle pièce avec une telle personne ... Certes elle n'avait rien à reprocher à Elisa mais c'était plus fort qu'elle, elle ne pouvait que se sentir mal en sa compagnie. Et cela n'était pas qu'une impression, elle sentait déjà son palpitant s'alarmer et la paume de ses mains s'humidifier sur la poignée en fer forgé. Se retournant de sorte à lui faire face, un sourire gêné se dessina sur ses lèvres tandis qu'elle se grattait la tête d'un air hésitant. Que lui dire ... Que la porte était bloquée et qu'elle n'était pas foutue de l'ouvrir elle-même ? Qu'il lui fallait de l'aide pour sortir et risquer de froisser sa fierté ou pourquoi pas arrêter de réfléchir et rester naturelle ?

« En effet ... »

Plus facile à dire qu'à faire ... Amelia chercha ses mots, détaillant les traits d'Elisa qu'elle voyait pour la première fois d'aussi près. Comment pouvait-elle avoir pu douter de cette personne alors qu'elle n'avait d'apparence rien de méchant ni de machiavélique ? Et depuis quand Amelia se méfiait-elle des gens alors qu'à son habitude, elle ne jugeait quiconque et essayait au contraire de faire ressortir le meilleur des personnes face auxquelles elle faisait face. Quelque chose dans ces yeux pétillants l'intriguait et à mesure qu'elle la découvrait, sa tension s'évaporait peu à peu. Frottant ses mains moites sur son uniforme impeccable, l'Hestia finit par entrouvrir les lèvres.

« Quelqu'un nous a joué un mauvais tour et cette porte refuse désormais de s'ouvrir ... À moins qu'il ne s'agisse du bâtiment lui même ... Si tu as une solution miracle à proposer ou un sort à tenter, je t'en prie. »

Se décalant légèrement sur la droite et lui laisser l'opportunité de s'essayer à l'ouverture de la porte scellée, Amelia jeta un bref coup d’œil dans la pièce, remarquant que sa camarade avait finalement rangé ses affaires et s'apprêtait à sortir certainement dérangée par l'agitation occasionnée par la brune de dernière année. Si Elisa réussissait à faire un miracle, un sentiment de honte s'emparerait de son être et la plongerait dans un désespoir et une honte certaine. Pourquoi l'élève de Dionysos y parviendrait et pas elle ? Si elle réussissait à ouvrir la porte, cela voudrait-il dire qu'elle aurait plus de mérite qu'elle ?
Amelia ne pouvait se défaire de cet esprit de compétition qui les opposait indirectement et ce depuis qu'elles s'intéressaient toutes deux au même garçon. En tous cas, Amelia ne pouvait s'empêcher de se comparer à cette dernière qui s'approchait à son tour de la porte, se rappelant les confidences de Justin à son sujet.

« Je crois bien… que nous sommes coincées ici pour un petit moment… à attendre que quelqu’un arrive… »

C'était la fin. Amelia sentit son épiderme frémir alors qu'elle se rendait enfin compte qu'elle devrait attendre en la charmante compagnie d'Elisa. Cette jeune demoiselle n'était pas agressive ni même désagréable, bien au contraire et rien ne pouvait pousser Amelia à la haïr mais, appelons un chat, un chat. Ce qu'elle ressentait à son égard n'était pas de la haine, loin de là. Elle se méfiait juste, tout simplement, comme une gamine amoureuse lorgnant d'un regard noir toutes les autres filles approchant de son bien aimé, tremblante à l'idée que l'une d'entre elles ne finisse par obtenir les faveurs du mâle en puissance. Parfois, elle aimerait être un homme. Bien qu'ils doivent prendre les décisions fatidiques, ils n'ont pas autant de soucis que les femmes et ne se prennent que rarement la tête pour des histoires de cœur et de rivalité. Un homme c'est fort et ne se laisse pas contrôler par ses sentiments alors qu'une fille, c'est tout le contraire.

Fort heureusement qu'elles étaient toutes deux civilisée car si ça n'avait pas été le cas, elles auraient très bien pu se crêper le chignon à l'instant même où leurs regards se croisaient et qu'Elisa constatait à son tour que la porte faisait la forte-tête. Amelia s'était écartée au moment où la jeune Dionysos s'approchait sans un mot, la baguette à la main, un air agacé venant gâcher les traits délicats de son joli visage. Il se pouvait bien qu'elle soit une spécialiste de l'ouverture de serrures rebelles ou qu'elle trouve une solution à laquelle l'Hestia n'avait pas pensé ... qui sait ? Mais ses tentatives se révélèrent aussi efficaces que celles d'Amelia qui avait bien vite abandonné. Les bras croisés sur son torse, elle s'était reculée à hauteur de la table où s'était installée Miss Montespan avant de vouloir sortir pour finalement s'y asseoir alors que la brune lui glissait un « Attendons… ». Puisqu'elles n'avaient pas le choix ... Soit.

Ses doigts parcoururent la couverture d'un livre poussiéreux sur les plantes de nos jardins et, immédiatement, elle chercha dans quel rayon elle pourrait bien le ranger. Son petit côté maniaque ressortait lorsqu'elle ne savait que faire et qu'elle se retrouvait dans une position délicate. Tenir la discussion à une fille que l'on ne connait pas sans venir à parler du problème les opposant lui semblait impossible ...

« Que fais-tu habituellement pour tuer le temps ? »

Se levant de son "trône" improvisé, elle s'empara du livre et le rangea dans la bibliothèque la plus proche à la place qui lui était réservé. Se résignant enfin à trouver une autre activité que l'observer du coin de l’œil, s'intéresser à son cas lui semblait le plus approprié. Peut-être en apprendrait-elle plus à son sujet et apprendrait également à l'apprécier ... qui sait ? Il suffisait qu'elles se découvrent des points communs et ça serait bon ... En tout cas, c'est ce qu'elle essayait de se dire pour se rassurer et paraître sûre d'elle.

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